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Cigarettes électroniques et risque de cancer – que savons-nous?

Les cigarettes électroniques et les réchauffeurs de tabac représentent un nouveau marché économiquement important pour l’industrie du tabac. Le débat sur les effets sur la santé est surtout axé sur la question de savoir dans quelle mesure les substances nocives libérées par les cigarettes électroniques augmentent le risque de cancer. Toutefois, peu de données significatives à long terme sont disponibles à ce jour, car, comme pour la consommation de cigarettes traditionnelles, il existe une longue période de latence avant l’apparition de maladies secondaires.

Keypoints

  • Toutes les données disponibles à ce jour indiquent que les cigarettes électroniques présentent également un risque de cancer, même s’il est nettement inférieur à celui des cigarettes classiques.

  • Une évaluation officielle du CIRC est plus que nécessaire.

  • Les autorités de régulation et le corps médical sont tenus de lutter contre la banalisation de la cigarette électronique, en particulier chez les enfants et les adolescents.

Les ventes de cigarettes électroniques ont fortement augmenté au cours des dix dernières années.1 Les connaissances sur les risques pour la santé liés à ce que l’on appelle le vapotage sont encore limitées. Le risque de cancer lié à la cigarette électronique, en particulier, fait encore l’objet de controverses.

En raison de la longue latence entre l’exposition et l’apparition de cancers, il est difficile d’établir un lien indubitable à un stade précoce. Il a donc fallu de nombreuses années pour que le risque de cancer du poumon lié à la cigarette soit généralement reconnu.

Évaluation du risque de cancer

Différents organismes ont émmis un avis sur le risque de cancer. Les avis scientifiques les plus importants proviennent du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), un groupe de travail de l’OMS qui publie des «monographies» sur les substances, les mélanges de substances et les activités les plus diverses (Tab. 1). Àcet effet, un comité d’experts analyse les publications et donne un avis final.

Tab. 1: Classification des cancérogènes par le CIRC (source: https://www.iarc.who.int/fr/infographics/iarc-monographs-classification/ )

Une analyse systématique concernant le risque de cancer est effectuée en vertu du règlement CLP n° 1272/2008 de l’UE. Celui-ci exige que chaque substance mise sur le marché dans l’UE soit analysée en fonction d’un risque potentiel de cancer. Les médicaments et les denrées alimentaires, dont font partie les ingrédients des cigarettes électroniques en Europe, sont toutefois exclus de cette disposition.

En Allemagne, la loi sur les produits du tabac et l’ordonnance sur les produits du tabac stipulent que les ingrédients des cigarettes électroniques, les liquides à vapoter, ne doivent pas présenter de risque pour la santé humaine, à l’exception de la nicotine sous forme chauffée ou non chauffée.

En réalité, le chauffage des liquides au niveau des fils chauffants génère malgré tout des substances cancérigènes comme le formaldéhyde, l’acétaldéhyde, etc.2 Le cœur du débat sur le risque de cancer est la question de savoir si les substances nocives libérées augmentent le risque de cancer dans une mesure mesurable. Cependant, contrairement aux substances toxiques, il n’existe pas de seuil pour les substances cancérigènes en dessous duquel l’utilisation est sans danger.

Données d’études sur les substances toxiques

Plusieurs études toxicologiques ont mesuré des concentrations élevées de substances cancérigènes dans l’urine des «vapoteurs» par rapport aux non-fumeurs. Toutefois, ces concentrations sont encore plus élevées dans la fumée de cigarette classique.3

Mais un problème majeur réside dans le fait que de nombreux vapoteurs fument en même temps des cigarettes classiques. Dans ce groupe d’utilisateurs dits «doubles», des études ont révélé des concentrations particulièrement élevées de substances cancérigènes, qui dépassent celles de la fumée de cigarette normale.

Des études sur les animaux ont également montré un risque accru de cancer.4 L’incidence des adénocarcinomes pulmonaires était plus de 5 fois plus élevée chez les souris exposées intensivement aux cigarettes électroniques que dans le groupe témoin. Une nette augmentation des hyperplasies due à l’exposition à la cigarette électronique a également été démontrée. Les critiques de cette étude font référence à l’exposition élevée et de courte durée, qui ne correspondrait pas à la réalité chez l’homme.

Cependant, dans les cultures cellulaires, de nombreux mécanismes cancérigènes ont pu être déclenchés par les cigarettes électroniques. On constate ainsi des modifications épigénétiques, une inflammation cellulaire, une activation des macrophages, un stress oxydatif et des lésions mitochondriales.5 De même, chez les «vapoteurs» comme chez les fumeurs classiques, on constate une augmentation dépendant de la dose des lésions de l’ADN.6 Ces dernières sont généralement à l’origine de modifications malignes.

Outre les substances toxiques, les cigarettes électroniques émettent bien sûr aussi une quantité considérable de poussières fines. Pour les poussières fines alvéolaires, le risque de cancer est désormais très bien documenté, y compris au niveau moléculaire.

Outre les cigarettes électroniques, les réchauffeurs de tabac sont de plus en plus répandus. Dans ce cas, le tabac est vaporisé par un filament incandescent. Il en résulte également des poussières fines et des substances cancérigènes, dont les conséquences sur la santé sont encore moins bien étudiées.

Selon les calculs toxicologiques, on suppose que le risque de cancer est réduit de plus de 90% avec les cigarettes électroniques par rapport aux cigarettes (Fig.1). Il manque cependant des données fiables à long terme.7

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Fig. 1: Calcul du risque de cancer lié à la cigarette, au réchauffeur de tabac et à la cigarette électronique sur la base de données toxicologiques (modifié d’après Stephens WE 2018)7

Les arômes attirent les jeunes

Les cigarettes électroniques et les réchauffeurs de tabac représentent un nouveau marché économiquement important pour l’industrie de la cigarette. La commercialisation avec des arômes tels que fraise, etc. vise d’une part à dissimuler les risques pour la santé, mais aussi à cibler les enfants et les adolescents. C’est entre autres pour cette raison que de nombreuses sociétés médicales demandent l’interdiction des arômes dans les cigarettes électroniques.

Lutter contre la banalisation

Toutes ces réflexions ne répondent pas à la question de savoir si les cigarettes électroniques sont éventuellement inhalées beaucoup plus intensément que les cigarettes normales. Il manque également la preuve que les cigarettes électroniques réduisent la consommation de cigarettes classiques dans le cadre de la désaccoutumance au tabac. Les données montrent plutôt qu’il y a le plus souvent un «double usage», qui est peut-être associé à un risque accru de cancer.

Même si, en fin de compte, les preuves sont faibles, il est urgent que le CIRC émette un avis sur le risque de cancer. Il faudrait au moins envisager de les classer dans la catégorie 2B des substances potentiellement cancérigènes.8

Malgré des données encore limitées, les autorités de régulation, mais aussi le corps médical, sont appelés à attirer l’attention sur les risques potentiels des cigarettes électroniques et à lutter en particulier contre leur banalisation et leur diffusion auprès des enfants et des adolescents.9

1 www.statista.de 2 Marques P et al.: Respir Res 2021; 22: 151 3 Herbst RS et al.: J Clin Oncol 2022; 40: 4144-55 4 Tang M et al.: PNAS 2019; 116: 21727-31 5 Shehata S et al.: Cancers 2023; 15: 4525 6 Tommasi S et al.: Nicotine Tob Res 2023; 25: 1145-54 7 Stephens WE: Tob Control 2018; 27: 10-17 8 Braillon A, Lang AE: Eur J Epidemiol 2023; 38: 391 9 Rupp A et al.: Pneumologie 2024; doi:10.1055/a-2282-9908

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